La fin justifie les moyens

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Mea culpa

Des outils, des ressources, des applications…voilà ce dont on entend le plus souvent parler dans le monde techno de l’éducation présentement. Tu veux réaliser ceci avec tes élèves? Il y a certainement une « app » pour ça. En fait, il y en a au moins 15 si tu cherches vraiment. Tout va tellement vite… Les outils poussent comme des champignons, sont tous plus intéressants les uns que les autres, mais en quoi cela sert-il les enseignants désireux d’intégrer les TIC dans leur pratique? Sommes-nous en train de nous éloigner de leur but réel? Noyés dans cet océan des possibles, qu’en est-il de nos fameuses intentions pédagogiques? Et oui, je m’inclus dans cette affirmation car je plaide coupable ; j’ai moi aussi péché dans l’excès et je ne peux garantir que je suis à l’abri de futurs emballements pour l’outil parfait, au détriment de mes besoins pédagogiques réels.

Perspective

Il faut me comprendre car je viens de loin. C’est pourquoi je m’auto-pardonne régulièrement. 😉 Je me souviens de 2001, de cette année charnière dans ma carrière. Je revois encore les visages de ces élèves aux besoins si grands et à mon sentiment d’être complètement démunie devant cette énorme responsabilité de les amener vers la réussite. C’est là que j’ai commencé à utiliser la technologie en classe, auprès de ce groupe d’élèves difficiles, pour qui rien ne collait vraiment. Cette année-là, je me souviens avoir transporté mon gros ordinateur de la maison à l’école à multiples occasions pour réaliser différents projets. Pourquoi? Parce que c’était la seule façon d’y arriver car le laboratoire informatique était trop peu performant. En 2001, il y avait très peu d’outils, de ressources, d’applications. Mais malgré tout, le besoin criant d’arriver à faire fonctionner cette classe a fait que j’ai osé. «La fin justifie les moyens».

Révolution

À l’époque, j’étais loin de me douter que nous étions à l’aube d’une révolution technologique et que 15 ans plus tard, presque chaque classe du Québec serait équipée d’un écran tactile géant (TNI), puis que l’ordinateur que je devais transporter se trouverait dans les petites mains de mes élèves en même temps, qu’ils le feraient fonctionner avec leurs doigts à l’écran et que cet appareil serait connecté à internet en plus! Quand j’y pense, je me dis que c’est incroyable et que cela est arrivé peut-être un peu trop vite. Non pas que je n’apprécie pas les possibilités qui s’offrent à moi et mes élèves, mais qu’en prenant le point de vue de l’ensemble des enseignants, il y a de quoi avoir le vertige! Je me dis que si je me sens parfois dépassée, moi qui suis comme Obélix étant tombé dans la potion magique «techno» bien avant la majorité de mes collègues, il est tout à fait normal que certains aient envie de lancer la serviette devant cette extrême complexité.

Accompagnement

Non, cela n’excuse pas le fait que dans certaines classes du Québec, aucun outil technologique ne soit jamais utilisé. Mais cela met en relief le besoin énorme qu’ont les enseignants d’être accompagnés dans cette transformation majeure de leur pratique. Car, effectivement, ce ne sont pas toutes les écoles et Commissions scolaires qui soutiennent efficacement leurs enseignants dans ce virage technologique, souvent par faute de moyens et de vision. Personnellement, je suis soutenue par de belles équipes qui travaillent avec acharnement pour élever les pratiques des enseignants. Que ce soit auprès de ma Commission scolaire, d’ iClasse ou de L’École en réseau, je me sens supportée dans mes besoins technologiques mais surtout pédagogiques qui résultent de l’utilisation quotidienne des tablettes en classe. Tous n’ont pas cette chance…

Intentions pédagogiques

Le problème est complexe. Je n’arriverai pas à faire le tour de la question dans ce billet. Mais si je reviens à mon idée de départ, à cette envie de nous mettre en garde contre les dangers de l’abondance qui s’offre à nous, je dirai que selon moi, ce ne sont pas tant les outils, les apps, les ressources qui devraient motiver nos choix. Le plus important c’est de ne jamais perdre de vue nos buts pédagogiques, car ils sont en général assez simples. Peu importe que nous utilisions le nec plus ultra en fait de matériel, d’outils, de logiciels, ou que nous visions la substitution ou la redéfinition du modèle SAMR.  Ce qui compte, c’est d’évoluer, d’atteindre nos buts (pédagogiques), tout en ayant la certitude que nos élèves ont appris de façon efficace, différente et motivante.

Image de Stéphane Brousseau selon le modèle de Ruben R. Puentedura

 

Le temps…

Il est normal, qu’à l’étape de la nouveauté, nous voulions tout essayer, emballés par l’offre qui excède la demande. Mais au fil des mois, chaque enseignant affinera sa propre banque d’outils qui représenteront des valeurs sûres dans sa pratique. Et pour cela, il faut y mettre du temps et accepter que des erreurs soient commises durant le parcours. Ceci implique que nos gestionnaires nous donnent le temps nécessaire pour l’appropriation des outils et l’opportunité de choisir des occasions ou formations pour échanger avec nos collègues et parfaire nos connaissances, à l’intérieur de nos 32 heures de travail hebdomadaires reconnues (Ouf! Je sais, je rêve, mais il s’agit d’un autre débat…).

Top 10

Personnellement, je me pose souvent la question suivante: *si les tablettes de mes élèves ne pouvaient contenir que 10 applications, quels seraient mes choix ? Et ceci me ramène toujours à l’essentiel. Car le temps de classe est précieux, certains diront même que les tablettes ou portables ne sont disponibles que quelques heures pendant la semaine ou en nombre restreint. Donc, raison de plus pour faire des choix éclairés qui permettront aux élèves d’apprendre, de créer et de communiquer efficacement. Comme je le dis souvent, en arrêtant de considérer l’utilisation des appareils comme une récompense, nous ouvrons la porte à des usages beaucoup plus pédagogiques et garants de résultats.

Équilibre

J’ai trop souvent vécu des déceptions avec des applications qui ont une «durée de vie» d’une heure au plus, les élèves en ayant fait le tour rapidement. C’est pourquoi je considère que le véritable potentiel des tablettes ou portables en classe ne se situe pas dans les applications, mais bien dans la manière et les conditions avec lesquelles nos élèves les utiliseront pour apprendre, créer et communiquer. Nous parlons ici de transformations majeures qui vont bien au-delà de la recherche d’outils. Pour qu’un enseignant puisse ajuster sa pratique et atteindre un juste équilibre entre les moments d’apprentissage ludique (applications-jeux), de production (applications créatives ou de modification), et de consultation (applis-livres, albums numériques, web), il est nécessaire de mettre de côté la pression de la performance et de miser sur le temps, l’expérience acquise chaque jour et les échanges avec des collègues vivant la même réalité. L’arrivée de ces outils en classe est souhaitable, oui! Mais le chemin à parcourir pour atteindre un usage réfléchi et efficace peut être hasardeux sans un nécessaire accompagnement.

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Simplicité, efficacité…

Simplicité des outils, efficacité, productivité, voilà des mots-clés qui reviennent souvent chez les éducateurs chevronnés qui m’entourent. Je dirais que la constance est également un élément gagnant, surtout pour les applications de création. Ce n’est pas en présentant une nouvelle application à chaque semaine que mes élèves parviendront à bien les maîtriser, mais en sélectionnant les meilleures et les plus versatiles afin qu’ils puissent les approfondir et ainsi en retirer le maximum de bénéfices.

Plus jamais seule…

Je termine en saluant et en remerciant la grande famille qu’est devenue iClasse. Grâce à ces merveilleux éducateurs, je transforme ma pratique quotidiennement et intelligemment. Je lève aussi mon chapeau aux enseignant(e)s qui font partie de mon réseau pour le courage et la générosité dont ils font preuve. Je les admire énormément pour leur volonté d’enseigner autrement et d’oser repousser constamment les limites qui leur sont si souvent imposées. Car non, il n’y a pas « d’app » pour apprendre cela…

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*Pour le plaisir, sachant qu’elles changent constamment, voici mes 10 choix de l’heure:

  • Google Drive (pour sauvegarder, partager les productions avec mes iPads de petite capacité – 16Gb)
  • Imagibox (pour faire des productions artistiques magnifiques)
  • Shadow Puppet Edu (si facile, gratuite et au potentiel créatif infini!)
  • Book Creator
  • Seesaw (portfolio électronique)
  • iBooks (bibliothèque virtuelle)
  • La magie des mots
  • Number Frames
  • Pic Collage Kids
  • Adobe Voice

Quelles sont les vôtres?