Libérer les esprits avec L’heure des Génies
Il y a longtemps que je mijote cette idée du #GeniusHour que nos voisins anglophones déploient dans leur classe depuis un bon moment. Lorsque j’enseignais au 3e cycle, il y a de cela déjà une quinzaine d’année, mes élèves appréciaient beaucoup faire ce que nous appelions, à l’époque, des projets personnels. Ayant lieu habituellement le vendredi, un temps propice ou les tensions de la semaine sont moins présentes, ces moments demeurent, à ce jour, parmi les meilleurs souvenirs de ma vie d’enseignante.
Mais qu’est-ce que l’heure des génies? Je m’appliquerai à en faire la description de façon succincte, puisque la littérature en français est plutôt pauvre à ce sujet. J’y ai apporté mes couleurs, mais la majeure partie du contenu de ce billet est inspiré de gens tels que @AngelaMaeirs, et des sites comme Genius Hour, ou le wiki GeniusHour qui regorge d’informations sur le sujet et de vidéos de projets réalisés par les élèves que je présenterai à ma iClasse pour les alimenter (en anglais). Une autre ressource qui pourra servir d’exemple est le formidable TedXCAHM que des élèves du Nouveau-Brunswick, ont réalisé. Impressionnant!
Pourquoi L’Heure des Génies?
Avant de débuter, il est important de réaliser qu’il faut CHOISIR de réserver du temps de classe pour réaliser ces projets. Nous avons tous une grille-horaire hebdomadaire que nous devons respecter; tant d’heures pour le français, les mathématiques, les sciences, etc. Donc, il est nécessaire de prendre le temps de s’informer et de réfléchir à cette question: sommes-nous prêts à «hacker» le système afin de faire vivre L’heure des Génies à nos élèves? Croyons-nous que ce projet vaut la peine de modifier cette grille-horaire, quitte à devoir rendre des comptes à nos gestionnaires?
Pour ma part, cette réflexion a été faite depuis longtemps, et le fait de voir mes élèves autant investis à LIRE, ÉCRIRE, SE QUESTIONNER et RÉSOUDRE DES PROBLÈMES me confirme que L’Heure des Génies agit comme un catalyseur où tout ce que les élèves ont appris ou apprendront dans différentes matières sera mis à contribution. Comme dernier argument, je dirai que ce genre de projets est pensé pour les élèves qui ne sont pas motivés à venir à l’école, pour différentes raisons, et pourra devenir un fameux «Facteur saut du lit», pour citer Pierre Poulin et François Bourdon.
Quand faire L’Heure des Génies?
C’est votre décision. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises manières de procéder à mon avis. Il peut s’agit d’une ou deux heures par semaine, de blocs pendant le mois ou l’année, ou d’utiliser jusqu’à 20% du temps de classe, tel que le font les plus férus de cette pratique dans le monde. Pour ma part, j’ai choisi d’y réserver 2 périodes d’un heure par semaine, les vendredis après-midis. Nous y consacrerons donc 12% du temps de classe.
La capsule que je présenterai à mes élèves pour démarrer.
Comment faire l’Heure des Génies?
Il y a plusieurs façons de réaliser L’Heure des Génies. Voici celle que j’ai choisie, selon mes lectures et réflexions des derniers mois. Je tiens à souligner que ces périodes ne sont pas des moments de calme et de relaxation. L’enseignant sera sollicité à fond, non pas pour faire les projets à la place des élèves, mais bien pour les guider dans leurs démarches et leur fournir le matériel lorsque possible.
Je compte aussi en discuter avec les parents afin d’obtenir leur support à la maison car si j’ai bien fait mon travail, ces projets déborderont des heures de classe et engageront les élèves jusque dans leur foyer. Je souhaite également, bien sûr, que les élèves s’intéressent aux joujoux que je leur réserverai comme le makey makey, les ensembles de robotique Wedo 1 et 2, des drones, le Bluebot, l’écran vert, les iPad, les Lego conteurs d’histoires, microphones, etc (geekette un jour, geekette toujours! 😉 ). Mais, ce sera les élèves qui décideront, pas moi. Et j’ai vraiment hâte de vivre ces moments avec eux et de voir ce qui se cache dans le cerveau de ces petits génies!
Étape 1: Trouver LE sujet
L’Heure des Génies, pour moi, c’est une philosophie, une ouverture et surtout un temps de classe précieux qui permet aux élèves d’apprendre, de lire, d’écrire et de résoudre des problèmes parfois complexes, sur un sujet qui les passionne. La première étape est donc essentielle, soit: trouver un sujet pour lequel l’élève est passionné ou curieux. Il peut s’agir de n’importe quel sujet, de grandes questions philosophiques, de problèmes quotidiens dont l’élève a à faire face, d’un animal, de technologie, d’arts, de sciences, etc. En fait, il n’y a pas de mauvais sujet car l’important, c’est que celui-ci permette à l’élève de s’investir complètement.
On le sait, nos jeunes ne sont pas toujours connectés sur eux-mêmes lorsque vient le temps de trouver ou partager leurs passions. Donc, il est important de prendre le temps pour faire des activités où l’élève se questionnera sur ce qu’il aime, ce qui l’intrigue dans sa vie quotidienne. J’ai trouvé une idée qui me semble très appropriée, soit celle de faire faire aux élèves leur carte du coeur. J’adore cette idée car elle servira tout au long de l’année pour des projets d’écriture, de poésie, de recherches. Nous aurons une discussion sur ce qu’est une passion, puis les élèves pourront faire leur propre carte à l’aide de dessins, découpures, etc. Voici quelques exemples de cartes, ici et ici.
Voici une affiche qui pourra les alimenter dans leur réflexion
Étape 2: «Ze» Question
Après avoir trouvé le sujet de leur projet, il est primordial que les élèves trouvent une question essentielle (non-googlable comme dirait Ewan McIntosh). Celle-ci servira de fil conducteur tout au long du projet et occasionnera probablement des maux de tête aux élèves! À cette étape, les discussions devront être très présentes et je compte bien donner de multiples exemples aux élèves afin qu’ils comprennent bien l’importance de cette étape car en bout de ligne, c’est le but de leur projet. Le canevas pourrait ressembler à ceci (image trouvée ici).
Étape 3: se documenter
C’est là que les élèves devront chercher les informations nécessaires à la réalisation de leur projet. Ils pourront utiliser le web (articles et tutoriels), des livres, des magazines, des encyclopédies, et pourquoi pas contacter des experts autour d’eux, sur Twitter ou en ligne, et leur poser des questions? Des visites à la bibliothèque seront nécessaires ainsi que des moments où je les guiderai pour apprendre à bien faire des recherches sur Internet. Je leur demanderai également de documenter leurs recherches avec différents moyens: dans un cahier « Canada », dans des applications sur iPad ou dans leur dossier Google Disque, dans notre blogue de classe ou au moyen d’enregistrements audio, vidéo, etc.
Étape 4: réaliser le projet
Où me mèneront-ils? Je ne sais pas! La classe étant plutôt petite, j’ai vu à ce que le gymnase de l’école soit libre au moins une semaine sur deux pour que nous puissions nous y installer. Ils découperont, programmeront, cuisineront, chanteront, danseront, écriront, dessineront, qui sait? Les enfants sont connus pour avoir une imagination débordante… quand on leur donne la liberté!
Étape 5: préparation de la présentation
Ici aussi, ils choisiront le médium avec lequel ils sont le plus à l’aise. Cela pourra aller de la simple présentation devant la classe à la production d’une vidéo ou d’une page internet qu’ils mettront en ligne et qu’ils commenteront. Peut-être un spectacle? Une capsule radiophonique? La publication d’un livre? Tout ce que je souhaite c’est qu’ils ne se dirigeront pas vers la facilité et qu’ils feront preuve d’audace et de créativité. Et j’ai confiance qu’ils y arriveront.
Étape 6: partage du projet
La cerise sur le sundae: le partage devant un public. Ce sera un grand moment pour eux. Ils pourront décider d’inviter des classes à se joindre à nous, de diffuser la présentation en direct, d’inviter des membres de leur famille, etc. Ce sera fou! 😉
Et voilà, en résumé, ce qu’est L’Heure des Génies pour moi. J’ai vécu quelque chose dans la même lignée avec Le mur des questions avec les plus petits mais j’avoue que ce projet n’est pas étranger au fait que j’aie demandé d’enseigner à des élèves plus vieux et autonomes. Je tenterai de vous faire part des développements de ces projets sous la balise #HeureDesGénies sur Twitter et dans d’autres billets du genre et je souhaite ardemment que d’autres enseignants seront assez fous pour se lancer! 😉
Il existe déjà un mouvement du type Maker Space, Design Thinking ou Labo créatif au Québec et d’après moi, c’est là que se trouve la vraie innovation, soit celle où les élèves sont aux commandes, assis dans le siège du conducteur et mettent la pédale de gaz à fond pour réaliser des projets complexes et créatifs, comme dans la vraie vie, quoi!